Siân Davey
Vit et travaille à Totnes (Angleterre)
www.siandavey.com
Martha
Martha est entrée dans ma vie à l’âge de 7 ans. Après cette première rencontre, elle est repartie dans le camping-car blanc de son père ; il tombait des cordes, son visage était appuyé contre la fenêtre, et elle me fixait à travers la vitre froide. D’une certaine façon, on aurait dit que nos vies entraient « de nouveau » en collision. Grâce l’avancement du projet mené ensemble, du moins sur cette série, nous avons pénétré chacune dans le paysage mental de l’autre, tout en nous attachant à comprendre le sens de notre relation. Nous avions en commun une blessure maternelle, puisque toutes deux avions eu des mères qui nous aimaient certes, mais que nous ressentions comme absentes. Et cela devint le terreau que nous avons partagé pour aller de l’avant.
Au début de ce projet, je réalisais mes photos principalement dans la sphère familiale. Puis, au fil du temps, j’ai de plus en plus travaillé dans un monde peuplé d’adolescents, monde d’où les adultes étaient exclus, j’ai photographié leurs copains, les chambres de leurs amis, leurs soirées, etc. Par conséquent, il est devenu essentiel d’ajuster au mieux les rôles « mère / photographe » : autrement dit, gagner sa confiance, me rendre compte quand je devenais envahissante, obtenir sa permission, à la fois, littéralement, et à un niveau plus subtil, pour arriver à faire que le courant passe entre nous.
Alors que ce projet aborde les questions du passage à l’âge adulte, de l’individualisation, du « grandir », il reste plus précisément centré sur un moment particulier de l’adolescence où vous avez dans un même corps un enfant et un adulte, ce qui explique pourquoi c’est une période de la vie si complexe et potentiellement si déroutante. Pendant cette période de transition, il y a une « fenêtre de tir » très courte et très spécifique lors de laquelle une personne va se comporter comme si elle était affranchie du poids des attentes sociétales et de la norme. Et bientôt cette « fenêtre » se refermera, et disparaît avec elle la sensation d’être « détachée », et l’effet que cela produisait.